Citoyenneté et génie du collectif, la recette gagnante du BEC !
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Un dispositif stimulant
Parmi les nombreuses originalités du BEC, soulignons que celui-ci se proposait de financer l’entièreté des projets, sans nécessité de justifier de fonds propres ou de financements complémentaires. Ce qui a fait émerger de nombreuses idées qui dormaient dans les cartons, stimulé des associations qui s’étaient contentées de projets aux ambitions très modestes, favorisé la formation de collectifs là où aucune action commune n’avait émergé.
« Le BEC 2 a pris une autre dimension. »
Pour quel bilan ? Premier constat : aussi ambitieux, complexes, voire un peu fous qu’ils aient pu paraître, les projets sont quasiment tous parvenus au bout de ce qu’ils avaient prévu de dépenser et ont pu rendre dans les temps, à la date butoir du 5 décembre, leur budget bouclé et dûment justifié. Il reste pour certains quelques chantiers à terminer ou des ateliers encore en cours. L’Esat d’Escolore a obtenu un délai supplémentaire pour terminer les travaux de son épicerie compte tenu de son inscription dans le planning de la restauration plus vaste du bâtiment concerné. Et le calendrier des inaugurations s’étale encore sur quelques mois.
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220 événements
Mais au-delà, il y a à détailler tout ce qui s’est passé en chemin. Alors que la première édition, en période de crise sanitaire, avait fait office de pilote, « le BEC 2 a pris une autre dimension », s’émerveille Sarah Communal. Elle cite le chiffre emblématique des 220 événements qui ont jalonné cette année de réalisation : réunions publiques, formations, chantiers participatifs, moments festifs, conférences… Chaque projet a pu ainsi bénéficier d’un écho bien au-delà de ses participants. « La dimension citoyenne a été très forte ; nous avons de nombreux écho des liens qui se sont créés, qui ont posé la question de ‘comment j’agis’, qui ont contribué à revitaliser des villages ou à raviver des communautés », poursuit Sarah.
Elle pointe aussi la dimension formatrice de ces initiatives. Les projets de plantations – forêts-jardins, vergers, mini-forêts urbaines, jardins partagés ou thématiques… – ayant été les plus nombreux, le territoire du département s’est animé de nombreux stages de taille ou de greffe, de permaculture et autres savoir-faire horticoles. Les chantiers participatifs ont permis aussi d’initier des bénévoles à diverses techniques et savoirs. Ici des propriétaires de terrain venant chercher l’inspiration pour organiser leurs propres plantations, comme ce couple rencontré à Saint-Genès-Champanelle en mars dernier. Là, des étudiants du lycée agricole de Rochefort-Montagne apprenant auprès d’un murailler la technique des murs en pierre sèche lors de la restauration des murets de l’ancien château. Des citoyens de la communauté de communes de Mond’Arverne se familiarisant avec les arcanes techniques ou juridiques complexes de la production d’énergie renouvelable…
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Les écoles dans l’action
Sarah Communal se réjouit également de ce que « neuf projets concernent des établissements scolaires ». Ainsi à Saint-Martin d’Ollières, le regroupement pédagogique a créé entre ses écoles un sentier pédagogique, de même qu’à Cébazat où une école s’est lancée aussi dans l’aménagement d’un « sentier de découverte éco-sonore ». Et à Clermont, des élèves du collège Albert-Camus ont travaillé à l’élaboration d’une ruche connectée « dans une démarche collaborative et open-source, pour faciliter le travail des apiculteurs »…
Et quand les écoles n’étaient pas à l’origine des projets, les collectifs, souligne-t-elle, ont fait beaucoup d’efforts pour faire participer les enfants ou des écoles entières, pour apporter une dimension de transmission et participer à la formation des citoyens de demain. Par exemple à Blanzat ou à Ceyssat, où les enfants des écoles ont participé à la plantation et à l’entretien des arbres plantés.
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ngéniosité, circuits courts et petits miracles
Les collectifs se sont également montrés particulièrement ingénieux pour inventer des solutions souvent low-tech, contourner des difficultés, bricoler ce qui pouvait l’être par les bénévoles, inventer du sur-mesure artisanal dimensionné pour le projet.
« Nous avons vu des petites unités d’expérimentation, souvent mobiles. »
« Nous avons vu des petites unités d’expérimentation, souvent mobiles pour apporter des services ou de la sensibilisation là où ils arrivent difficilement. Les collectifs ont aussi beaucoup fait appel à l’économie locale en circuit court, auprès de fournisseurs, d’artisans, de ressourceries ou de l’entrepreneur du coin, et les budgets alloués ont été très largement réinjectés dans l’économie locale. Cela réactive quelque chose de vital », constate Sarah Communal, qui avec sa collègue Véronique Jollain, s’est efforcée d’être le plus disponible possible, pour conseiller, mais aussi participer aux événements et même aux chantiers ou aux formations – bien souvent le week-end ! – avec un enthousiasme et une bienveillance que leur reconnaissent la plupart des porteurs de projets.
Quand on évoque avec elle ces déplacements où elle a parfois entraîné sa famille « pour les voir un peu », Sarah parle de la convivialité partout présente, de tout ce qu’elle a appris, de son enthousiasme à « voir des écosystèmes citoyens en action ». Et quelques souvenirs particuliers remontent, de la première ou de la deuxième édition : « L’accueil particulièrement chaleureux lors d’une séance de pressage et dégustation, par les bénévoles du projet VLAM qui cherche à conserver les savoir-faire vignerons à Moissat. Il y a eu aussi de petits miracles, comme l’ouverture de l’épicerie associative de Loubeyrat, redynamisant un petit village, en plein covid alors que tous les commerces fermaient, ou bien l’inauguration des serves de Saint-Amant-Roche-Savine. » Ces anciennes retenues d’eau à l’abandon étaient complètement à sec, envahies par les broussailles, en partie détruites. « Après le travail du collectif pour les restaurer, l’eau y est revenue naturellement. C’était magique ! », se souvient Sarah.
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Faire système
Au-delà de ces moments anecdotiques – mais qui traduisent tout de même l’importance des liens sociaux renforcés par ces initiatives – Sarah insiste sur le fait que le BEC « fait système à l’échelle du département ».
« Des milliers d’heures de bénévolat ont été apportées par les collectifs. »
Par exemple, la multiplication des projets de plantation d’arbres apporte une contribution qui commence à être significative dans la lutte, en local, contre le changement climatique. La sensibilisation du public sur des enjeux importants, tels que l’eau, la biodiversité, l’alimentation, etc. a gagné un élan qui irrigue l’ensemble du département, grâce à la répartition du budget conçue pour toucher chaque canton. Sarah souligne l’ampleur de ce qui est généré : « En face des 2 millions d’euros injectés par le Conseil départemental, des milliers d’heures de bénévolat ont été apportées par les collectifs. »
Et le BEC 2 a permis d’amorcer ce que la première édition n’avait pas réussi à engager, notamment en raison de la crise sanitaire : une connexion entre les projets, réelle quoique difficilement mesurable. Tout d’abord par l’organisation de deux temps forts réunissant les porteurs de projet au démarrage, puis à mi-parcours, avec des ateliers en petits groupes et des temps d’échange formels et informels. Mais aussi en incitant chacun à partager informations et invitations, à ouvrir les formations aux projets voisins, à se nourrir les uns des autres. Plateforme d’actualité des projets, liste de diffusion par courriels et newsletter ont alimenté cette mise en lien.
Une commission très investie
Un autre aspect a pris toutes ses dimensions sur cette deuxième édition : celui de la commission citoyenne. Lors du BEC 1, ce groupe de citoyens volontaires d’une trentaine de membres, complété par quelques élus, avait été chargé d’élaborer un règlement pour l’appel à projets et c’était à peu près tout.
« Une de nos grandes fiertés, c’est que la commission et les porteurs de projets se sont vraiment emparés de ce référentiel. »
« Nous en avons tiré les leçons et avons voulu lui apporter une dynamique. Comme le règlement était à peu près établi et n’a été retouché qu’à la marge, nous avons proposé à la commission du BEC 2 de travailler à ce qui était producteur de sens dans les projets. Nous avions pressenti que les citoyens pouvaient produire un travail qualitatif sur ce qu’est un projet citoyen, moins bureaucratique que si nous l’avions établi en interne. Cela a débouché sur la création du ‘‘référentiel de la transition’’, qui met en avant des dimensions telles que les chantiers apprenants, le lien social, la convivialité, l’essaimage… Une de nos grandes fiertés, c’est que la commission et les porteurs de projets se sont vraiment emparés de ce référentiel. Il a beaucoup servi au moment de l’élaboration des dossiers et des projets eux-mêmes, et a été inspirant y compris dans la phase de réalisation. Et la commission citoyenne s’est aussi appuyée sur ce document, joliment illustré par Elza Lacotte, pour étudier les dossiers de candidature », détaille Sarah.
Car la participation de la commission citoyenne pour la sélection des projets à soumettre au vote citoyen constitue aussi une nouveauté de l’édition 2022–23… à leur demande. « Ils ont été volontaires pour le faire, poursuit-elle. Ils se sont répartis en groupes sur chaque thématique et ont fait un travail d’analyse très sérieux, allant jusqu’à appeler les porteurs de projet, leur faire parfois modifier le dossier, supprimer des aspects qui ne leur semblaient pas entrer dans le cadre… Ils sont allés au-delà de la mission initiale et ont fait preuve d’une grande exigence, dans un souci exemplaire de la dépense publique. »
Obstacles
Malgré cette exigence et malgré le sérieux des projets, les difficultés n’ont pas manqué au moment de passer à la réalisation. Plusieurs collectifs et surtout les plus récents, parfois formés à l’occasion de leur participation au BEC, ont été confrontés à l’ampleur d’un projet plus ou moins surdimensionné par rapport à la capacité de temps à y consacrer.
« Dans l’ensemble, les initiatives continuent à vivre. »
Une initiative de plantation en milieu urbain s’est heurtée à la réticence des habitants du quartier et a dû trouver un nouvel emplacement pour son projet. Certains ont rencontré des obstacles techniques ou réglementaires dont ils n’avaient pas mesuré la complexité, des retards dû aux intempéries ou à des problèmes de planning. Beaucoup ont trouvé le temps très court !
Un seul projet– celui d’une tournée solidaire de distribution de pain dans le Livradois – a dû être abandonné à la suite du départ des principaux porteurs.
Il n’empêche que dans leur grande majorité, les bénévoles ont trouvé les ressources et l’énergie pour contourner les difficultés. La question étant ensuite de s’assurer de la pérennité de ce qui a été mis en place, d’animer les projets dans la durée. « Sur le BEC 1 où on a un peu plus de recul, il y a quelques endroits où les matériels dans lesquels les collectifs ont investi ne servent plus, mais dans l’ensemble, les initiatives continuent à vivre », reconnaît Sarah.
Quid du BEC 3 ?
Le mérite du binôme constitué par Sarah Communal et Véronique Jollain est de savoir entendre les difficultés et de tirer les leçons de chaque édition. Elles sont prêtes à faire encore évoluer le dispositif autant que nécessaire, en concertation avec les élus et les autres services du Département.
Encore faut-il que le Budget écologique citoyen soit reconduit. Pour l’heure, le Conseil départemental se donne quelques mois pour l’évaluer plus en profondeur et prendre une décision.
Pourtant certains des collectifs participants – et d’autres – fourmillent déjà de nouvelles propositions à soumettre à la collectivité et au vote des citoyens. Quelle suite les élus décideront-ils de donner à cet élan citoyen qu’ils ont insufflé depuis quatre ans ? Suspense…
Découvrir le site du Budget écologique citoyen du Conseil départemental du Puy-de-Dôme |
Reportage Marie-Pierre Demarty – texte et photos (sauf mention contraire). Photo de une : rassemblement des porteurs de projet à mi-parcours, à la Perm à Billom, en juin 2023.