Tikographie, comment les monts qui pétillent travaillent sur la mobilité et le lien social dans la montagne thiernoise

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Basée à Viscomtat, l’association rayonne sur la montagne thiernoise et le haut-Forez, entre Loire et Puy-de-Dôme. Elle organise son troisième festival tous publics pour embarquer les habitants dans le futur de leur territoire et les pousser à l’action.

Les intervenantes :

  • Blandine Chazelle est co-présidente de l’association
  • Christine le Fur est aussi co-présidente
  • Sabine Moreau est la première salariée recrutée dans l’association

Quel est le sujet auquel s’intéressent les Monts qui Pétillent ?

Blandine : nous voulons que les habitants de notre territoire aient une capacité à agir par eux-mêmes. Cela passe par un travail sur le lien social, la dignité individuelle et le “bien-vivre”, dans le cadre du respect du vivant. Si notre projet associatif est catégorisé “animation de la vie sociale”, il se fait dans une logique de prise d’initiative.

Et comment cette logique se traduit-elle ?

Blandine : par des groupes “réflexion-action” que nous avons mis en place. On y travaille sur ce qu’on pense… et comment on le met en œuvre. Il y a plusieurs groupes de ce type, sur les loisirs/éducation/nature, sur la mobilité territoriale, sur l’alimentation… 

Christine : Ce dernier existe depuis 2019, il organise des animations sur des marchés pour promouvoir les produits locaux, il a monté un ciné-débat avec un documentaire sur l’alimentation.

Chaque groupe thématique peut organiser ses propres animations. Ici, le groupe « nourrir » (dont Christine, au centre) tient un stand sur le marché de Noirétable (j’allais dire « de truffade » mais la photo a été prise en mai 2022) / Crédit photo : Les Monts qui Pétillent (DR)

Sabine : le groupe “soin à la personne”, quant à lui, a permis à beaucoup de gens de rejoindre notre association. La focalisation sur les “aidants” y a beaucoup plu. Ce groupe de travail a d’ailleurs pris en charge l’animation de la “balade pétillante” qui fait partie de notre festival à venir. Je pense que c’est le meilleur moyen de découvrir ce que nous faisons.

Finalement, travaillez-vous sur une forme de résilience territoriale dans la montagne thiernoise ?

Blandine : la question de la résilience était inscrite dans un premier projet de statuts en 2019… puis elle en a été retirée. A l’époque, je pense que la perspective de catastrophes écologiques faisait peur – on n’avait pas encore vécu de sécheresse ou de pandémie. Parler de résilience donnait l’impression de ne pouvoir empêcher ces événements.

Christine : nous n’avons pas conservé le terme, mais nous sommes dedans. Quand on réfléchit à la manière de se déplacer sur notre territoire rural, sans voiture individuelle, c’est de la résilience !

Stand de l’association pendant la Grande marche du train en mars 2022 – Sabine est debout à gauche / Crédit photo : Les Monts qui Pétillent (DR)

Comment se présente le festival des Monts qui Pétillent pour 2023 ?

Blandine : c’est un de nos trois axes principaux pour 2023, avec le travail sur les mobilités et “l’aller vers” [sur le lien social, NDLR]. Le projet associatif était d’ailleurs né d’un premier festival dit “des Naissances” en 2019, puis s’était renforcé lors d’un festival sur les mobilités en 2021. Ce sont les vrais temps forts de notre association, et le travail réalisé prouve l’appétence des participants.

« Nous voulons que les habitants de notre territoire aient une capacité à agir par eux-mêmes. »

Blandine Chazelle

Sabine : en 2023, le festival des Monts qui Pétillent sera axé sur le futur et les imaginaires. Au vu du monde dans lequel nous vivons, comment nous projeter dans un avenir viable ? Depuis le début, aux Monts qui Pétillent, nous “rêvons” le territoire. Et on a en effet pu nous dire que nous étions en décalage avec ce que les gens vivaient ! D’où la notion de viabilité du futur que l’on imagine ensemble. Et, petit à petit, les “imaginaires” ont pris une grande place dans l’association.

Blandine : viable, et même vraisemblable. Il faut parler d’un avenir qui se tienne, qui soit réaliste mais aussi qui donne envie. Cela veut dire prendre en compte ce que l’on sait aujourd’hui, de l’effondrement de la biodiversité à la raréfaction de l’eau. Et même si on ne sait pas encore tout ce qui va arriver, il faut travailler sur cette projection.

Lire l’entretien (2022) : L’art de transcender l’existant par les imaginaires, selon Rosalie Lakatos

Qu’est-ce qui est prévu pour ce travail sur les imaginaires ?

Christine : nous aurons une visite du Ministère des Imaginaires. Ce dernier est né en 2021, sous la plume de Gabriel de Richaud [auteur en résidence aux Monts qui Pétillent, NDLR]. Cette année, les “co-ministres” viendront du futur pour participer au festival. 

« Les “imaginaires” ont pris une grande place dans l’association. »

Sabine Moreau

Leur venue peut nous aider à nous remettre en mouvement. On voit qu’on a du mal à rêver, même auprès des enfants que l’on rassemble dans des “ateliers d’imagination”. Quand on prend moins ce temps-là, ça finit par nous brider.

Blandine : le Ministère est une forme d’incarnation de la notion d’imaginaires. Il sera représenté par des individus, notamment. On pourra alors se poser la question de comment on interagit avec les envoyés du futur.

Lors du Festival des Mobilités qui Pétillent en septembre 2021, une session de « Correspondances » (avec le futur) a été lue et enregistrée en public / Crédit photo : Les Monts qui Pétillent (DR)

Ce Ministère a-t-il pris une autre forme, hors du festival ?

Blandine : oui, nous avons lancé avec Gabriel le projet Correspondances. Quatre classes de l’école de la Monnerie [au-dessus de Thiers, NDLR] du CP au CM2 ont écrit à des enfants de 2073. Et des écrivains volontaires leur ont répondu, en incarnant les habitants du futur ! Gabriel a pu accompagner ces auteurs pour que leurs réponses soient pertinentes.

Le travail sur les imaginaires n’est-il pas trop anxiogène pour les habitants ?

Blandine : en fait, on avait repéré dès 2019 un double mouvement des habitants, mélangeant enthousiasme et inquiétude. Le projet des Monts qui Pétillent est né d’un atelier que j’avais animé lors du festival d’une association appelée “Rendez-vous en pays nétrablais”, en 2019. Le sujet était : comment je vis et comment je me sens sur le territoire – en termes de ressenti. C’était très fort émotionnellement, et 35 personnes y ont participé pendant trois heures !

La fermeture de la gare de Noirétable [sur la ligne SNCF Clermont-Saint-Etienne, NDLR] puis celle de l’office de tourisme local ont participé de cette anxiété. Mais on voit que les gens ont envie de “faire ensemble”, à condition d’avoir la bonne qualité de dialogue.

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Par-delà le lien social, arrivez-vous à créer des rencontres ?

Sabine : l’objet de l’association est de “faire avec les gens d’ici”. Notre travail est donc d’abord pensé pour les locaux. Mais il est aussi ouvert sur les habitants des autres territoires, notamment à travers le festival !

Blandine : beaucoup de gens ont un rayon d’action sur les départements (Loire et Puy-de-Dôme). Ce que font les Monts qui Pétillent leur permet de rencontrer d’autres initiatives, de participer à des espaces inédits de dialogue. En gros, pour bien vivre ici, il faut être interdépendant avec les gens qui habitent plus loin. Quand on expérimente sur le territoire, on vit quelque chose qui pourrait se passer ailleurs : j’aime bien cette approche. Elle dépasse le “ça serait bien que…”

Christine : les Monts qui Pétillent, c’est rêver et créer le territoire de demain. Si les expériences sont ad hoc, elles ne sont pas forcément duplicables en tant que telles. Mais on peut tout à fait les partager !

Une des Pépites qui se déroulent tous les mois dans les communes du territoire, pour faire se rencontrer les porteurs de projets. Ici, à Cervières en avril 2023 / Crédit photo : Les Monts qui Pétillent (DR)

Quel est votre périmètre d’action ?

Blandine : nous comptons 27 communes de la Montagne thiernoise et du haut-Forez, à cheval entre le Puy-de-Dôme et la Loire, dans lesquelles nous nous déplaçons pour les “Pépites” [des rendez-vous mensuels pour découvrir les initiatives locales, organisées par les Monts qui Pétillent, NDLR].

Sabine : le festival de 2023 sera d’ailleurs en itinérance sur plusieurs villes, dont des communes qui n’ont jamais participé à une Pépite avec nous. C’est un vrai défi, nous y rencontrerons beaucoup de structures locales qui n’ont pas l’habitude de travailler avec nous.

Christine : la cohérence géographique de notre périmètre est variable. Cela va des gens qui se rendent au marché de Noirétable, très fréquenté – en passant par la carte scolaire ou la notion de “bassin de vie”. Nous défendons néanmoins l’idée d’une vie par-delà la frontière départementale.

Blandine : le fait que nous soyons à la fois sur la Loire et sur le Puy-de-Dôme est un point fort de notre association. On nous avait même dit “vous prenez soin de la frontière”, c’est une belle phrase !

Par exemple, comment ce périmètre se concrétise-t-il dans votre travail sur la mobilité ?

Blandine : nous avons été lauréats de l’AMI [Appel à Manifestation d’Intérêts] “Avenir Montagnes Mobilités” en 2021 puis d’autres projets avec la MSA [Sécurité Sociale Agricole] et le budget écologique citoyen. “Les mobilités qui pétillent”, c’est le projet que l’on développe fortement depuis – avec plusieurs recrutements à la clé. Cela nous a permis de nous renforcer sur l’animation de la vie sociale, avec une approche large des questions de mobilité : proximité, lien social, rapport au vivant…

On crée donc des espaces de dialogue entre des acteurs locaux, qui ont nécessairement des places différentes dans l’organisation de la société : élus, associatifs, artistes, habitants, entreprises… On est une sorte d’intermédiaire entre le monde public et la société civile. Notre position nous permet d’expérimenter des choses nouvelles.

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Etes-vous en lien avec la communauté de communes Thiers Dore Montagne [TDM] ?

Christine : on a travaillé avec eux à la création du projet d’animation de la vie sociale intercommunale.  Et ils nous subventionnent dans le cadre de notre agrément “Espace de Vie Sociale” – apporté par la Caisse d’Assurance Familiale. C’est le rôle que nous jouons aujourd’hui. En outre, le SMTUT [Syndicat Mixte des Transports Urbains Thiernois] apprécie notre proximité aux habitants et à l’ensemble des acteurs pour avancer sur le développement de mobilités alternatives à la voiture sur notre secteur. 

« Nous défendons (…) l’idée d’une vie par-delà la frontière départementale. »

Christine le Fur

Blandine : les nouveaux salariés de l’association ont une vraie mission d’animation, ils prennent le temps d’aller vers les gens. Ce qui n’est pas toujours évident pour des communautés de communes. C’est là qu’on leur apporte une valeur ajoutée forte.

Christine : en revanche, les communes n’en sont pas encore à ce niveau d’attente. C’est plutôt nous qui allons les voir avec les Pépites. Si leur degré de sensibilité est aléatoire, cela progresse néanmoins.

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Les Monts qui Pétillent vont recruter leur cinquième salarié. Quelle est l’organisation interne pour maintenir la dynamique ?

Christine : il y a un fort engagement bénévole, notamment dans le Conseil d’Administration avec des gens qui motivent beaucoup. En parallèle, c’est nécessaire car on prend beaucoup de risques dans nos événements et nos actions.

Sabine : on peut en effet compter sur une quinzaine de bénévoles bien actifs dont ceux du C.A., puis une petite centaine d’adhérents et de sympathisants. Notre particularité est une vraie attention aux humains. Les collaborateurs bénéficient de nombreux temps d’échange, et d’un séminaire interne tous les six mois pour faire le point et écouter le ressenti des gens. C’est aussi un temps de remise en question.

Séminaire d’échange entre salariés, administrateurs et membres du groupe soutien-veille en novembre 2021 / Crédit photo : Les Monts qui Pétillent (DR)

Christine : il y a d’ailleurs un groupe de travail “soutien et veille” qui apporte un regard et une expertise d’accompagnement pour les collaborateurs. Enfin, la visio-conférence, qui s’est développée après le Covid, nous a permis d’inclure plus de monde – c’est un des apports positifs de cette expérience.

Blandine : même si les gens ont malheureusement perdu l’habitude de sortir. Cela touche toutes les associations qui ont du mal à attirer des bénévoles – mais, au-delà des bénévoles, c’est surtout une participation à ce qui est proposé. Heureusement que nos festivals fonctionnent bien : même pendant le Covid, nous avions eu beaucoup de monde en 2021.