Avec Les Martres au Vert, on consomme moins, on bricole plus-reportage de Tikographie
Reportage de Marie-Pierre Demarty – magazine Tikographie
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L’association Les Martres au Vert a inauguré samedi dernier son outilthèque. On peut y emprunter toutes sortes d’appareils pour bricoler, réparer, jardiner, coudre… Et réduire d’autant sa consommation d’objets manufacturés.
Une machine à coudre, un fer à souder, un broyeur à végétaux, un appareil à décoller les papiers peints, une collection complète de clefs anglaises, un aspirateur professionnel, un stérilisateur à bocaux, une campagnole (version élaborée de la grelinette), un kit de réparation de vélo et un autre de réparation de téléphones mobiles…
Qu’ont donc en commun tous ces objets ?
La réponse se trouve dans leur mode et leur fréquence d’usage chez les particuliers. On les achète pour s’en servir peut-être une ou deux fois par an, voire une seule fois en tout et pour tout. Le reste du temps, ils dorment au fond d’une armoire ou sur une étagère dans le garage. Ou bien on ne les achète pas, et on jette l’objet qui aurait pu être réparé, la robe qu’on aurait pu transformer après l’avoir déchirée, les branchages qui auraient pu servir à pailler le jardin.
Nés d’une fresque
Est-ce bien raisonnable ? Aux Martres-de-Veyre, une association a souhaité proposer une troisième option. La semaine dernière, elle inaugurait son outilthèque. « Outilthèque » comme bibliothèque : un endroit où un peut emprunter – non pas des livres mais des outils. Pour répondre à deux écueils de notre société de consommation aussi nocifs l’un que l’autre à l’environnement : la multiplication des achats d’outils – et donc de leur fabrication – et notre tendance à jeter ce qui ne fonctionne plus même si c’est réparable. Sans compter que cette solution développe l’esprit de partage, la solidarité, la convivialité…
Ce n’est qu’un des projets lancés par l’association Les Martres au Vert, pourtant toute jeune puisqu’elle a été créée officiellement en février 2022, même si les premières actions remontent à un peu plus longtemps. Car il y en a plein d’autres.
« Nous ne sommes pas ressortis abattus, mais en nous demandant comment nous pouvions agir. »
Cette dynamique trouve son origine dans les circonstances de la création de ce collectif, que raconte Céline Pilven, membre du comité de pilotage : « En 2021, la municipalité avait proposé une fresque du climat à l’occasion de la Semaine du Développement durable. Il n’y avait pas grand monde mais nous avons tous trouvé cela très intéressant. Contrairement à d’autres séances, nous ne sommes pas ressortis abattus, mais en nous demandant comment nous pouvions agir à notre échelle. Tout le groupe des participants s’est à nouveau réuni et a fait le constat qu’aux Martres, il n’y avait pas de collectif sur ce sujet. Et nous avons fondé l’association. »
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Fonctionnement horizontal
Le deuxième point fort des Martres au Vert est d’avoir su s’organiser. Un fonctionnement horizontal : « Nous avions découvert ce mode de fonctionnement à l’Amap et ça nous a plu, poursuit Céline. Alain a pris la fonction de trésorier pour la signature sur le compte en banque ; j’ai une petite fonction de représentation parce que j’ai un peu de temps en ce moment, étant en reconversion ; pour le reste, nous avons un comité de pilotage qui compte aujourd’hui six personnes, mais qui reste très ouvert. »
A partir de là, différents axes ont été définis en fonction des centres d’intérêt de chacun, pour constituer des groupes de travail : énergie, agriculture et alimentation, mobilité, déchets… « Mais beaucoup d’entre nous étaient dans plusieurs groupes ; à un moment nous avons fusionné deux groupes pour éviter qu’il y ait trop de réunions. Ceux qui travaillaient sur l’énergie se sont rapprochés d’Arverne Durable. »
« Nous avions découvert ce mode de fonctionnement à l’Amap et ça nous a plu. »
A partir de là, les « petites actions » se sont mises en place, au fil des idées, des événements nationaux comme la Semaine du développement durable ou la Semaine de réduction des déchets. Mais aussi d’opportunités, comme l’initiative d’aider une maraîchère locale sur la plantation de haies.
« Petit à petit, nous nous développons, en sensibilisant de nouvelles personnes à chacune de nos actions », souligne Céline, en précisant que l’association compte aujourd’hui une cinquantaine de membres, « de 7 à 77 ans ou quasiment, car les enfants des adhérents participent sur certaines actions, comme les cleanwalks ».
Compost, vélorution et partage d’outils
Concrètement, l’association propose des cleanwalks, donc, c’est-à-dire des ramassages collectifs des déchets dans l’espace public. Mais aussi des opérations troc de plantes, compost, zéro déchet au marché… Dimanche dernier, elle organisait sa deuxième « vélorution », sous la forme d’une grande balade collective à vélo jusqu’à Longues, « pour sensibiliser notamment à l’insuffisance d’équipements sécurisant la circulation à vélo », précise Céline.
Le projet d’outilthèque est arrivé à la faveur du budget écologique citoyen du Conseil départemental, qui a permis d’obtenir le financement d’un projet plus ambitieux, mais qui tenait à cœur à l’association. « L’intérêt, c’est qu’il est fédérateur car il touche à tous les domaines – bricolage, jardinage, travaux ménagers, etc. – et répond à différentes nécessités écologiques : la réduction des déchets et celle de la consommation effrénée, le développement de la solidarité, la transmission de bonnes pratiques… »
« L’intérêt, c’est qu’il est fédérateur car il touche à tous les domaines. »
La concrétisation n’a pourtant pas été facile. D’abord parce que beaucoup de personnes restent réticentes à l’idée de mettre en partage leur propre matériel ; il fallait donc acheter une bonne partie des outils, d’où la sollicitation du budget éco-citoyen.
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Choisir le bon matériel
Ensuite, il a fallu convaincre la municipalité de mettre à disposition de l’association un local. Un arrangement a été trouvé avec l’association de loisirs culturels Le Chantou qui a libéré un bout de rez-de-chaussée : un endroit suffisant pour démarrer mais qui n’est pas idéal, car assez exigu, donc peu propice à organiser des ateliers. De plus, il n’est pas très accessible avec un véhicule car en plein centre du vieux bourg, ce qui ne facilite pas la circulation des objets les plus lourds ou encombrants. Mais l’association est tout de même heureuse d’avoir trouvé cette solution.
« Nous n’étions pas tous d’accord sur les objets utiles à intégrer. »
Et puis il y a eu les multiples réunions pour dessiner les contours du projet. « Nous n’étions pas tous d’accord sur les objets utiles à intégrer, se souvient Céline. Le kit de réparation de vélos faisait consensus. Mais le matériel de soudure, par exemple, faisait débat : car il peut être utile, mais peut s’avérer dangereux à l’utilisation. Nous avons choisi de le proposer, mais avec une fiche d’utilisation, les équipements de protection. »
La question de l’assurance a été bien étudiée. Mais aussi d’autres critères d’achats : « Nous avons souhaité proposer du matériel de qualité, pour qu’il soit plus durable et pour qu’un matériel moins accessible financièrement soit mis à la portée de tous. Par exemple, beaucoup de gens ont déjà une perceuse, mais nous avons pensé qu’une perceuse haut-de-gamme pourrait être utile pour des travaux particuliers. Nous essayons ; nous verrons bien ce qui marchera… »
« Pour l’instant nous ne sommes pas dans une démarche low-tech, mais on en rêve ! »
Par ailleurs, le choix s’est porté sur des outils classiques, retenus pour leur côté pratique d’abord, tout en essayant d’être vertueux. Ainsi pour le broyeur à végétaux, un appareil électrique a été préféré à la version thermique, d’abord parce qu’il s’avère plus facile à déplacer et sans risque à l’utilisation, mais l’association a d’autant moins hésité qu’il a aussi un avantage écologique. « Pour l’instant nous ne sommes pas dans une démarche low-tech, tout simplement parce que nous ne savons pas faire. Mais on en rêve ! »
En attendant le low-tech
Cela pourra éventuellement venir avec la mise en place d’ateliers, que l’association a pour projet d’organiser… dans la mesure où l’exiguïté du local le permettra. Et où elle pourra trouver la ressource des personnes possédant le savoir-faire ou la bonne volonté. « Je me suis proposée pour animer un atelier de création de nichoirs avec des matériaux de récupération, indique Céline. Non pas que je m’y connaisse particulièrement, mais je l’ai préparé. J’avais envie d’ajouter une dimension de sensibilisation à la biodiversité, qui fait aussi partie des thématiques que nous défendons. » Ultérieurement, des rendez-vous sont envisagés pour œuvrer ensemble à la réparation de petit électro-ménager, s’entraider pour remettre en état un vélo, fabriquer, apprendre ensemble…
« J’avais envie d’ajouter une dimension de sensibilisation à la biodiversité. »
En attendant d’être dans la capacité de fabriquer collectivement une marmite norvégienne ou un four solaire, Les Martres au Vert invite les bricoleuses du dimanche, les couturiers amateurs, les accros au jardinage à embarquer dans ce grand élan de partage et de faire-soi-même.
Dans la pratique, il faudra d’abord adhérer à l’association avec un « petit complément » pour bénéficier de ce service. Les modalités de réservation de matériel ou la mise en ligne du catalogue sont encore à l’étude. Mais on peut venir lors des permanences chaque samedi matin ou poser des questions par la messagerie de l’association. Détails importants : le prêt sera gratuit, au moins pour le petit matériel, et la participation est ouverte aux non-résidents de la commune.
Mauvaise nouvelle pour les procrastinateurs : vous n’aurez plus d’excuse pour laisser le jardin en friche, le vélo à la roue voilée au garage, ou le gaufrier de Mamie orphelin de son fil électrique.
Pour en savoir plus, consulter le site internet des Martres au Vert ou suivez la page Facebook de l’association |
Prochain rendez-vous samedi 2 décembre de 10 h à 12 h : atelier fabrication de nichoirs. Renseignements et inscriptions ici. |
Reportage réalisé le samedi 18 novembre 2023. Photo de Une Marie-Pierre Demarty : Pendant l’inauguration de l’outilthèque.